La présence d’une mosquée sur le site dit la « lunette 18 » au milieu de la Citadelle de Belfort n’est pas le résultat du hasard, cela résulte de l’histoire des musulmans et de leur présence à Belfort.
Ainsi pour comprendre la logique de cette construction d’une mosquée à cet endroit il faut remonter à l’après guerre.
Rappelons que de nombreux musulmans ont pris part à la seconde guerre mondiale du coté des alliés et plus particulièrement dans l’armée française de la Libération. Des régiments d’Afrique du Nord ont été constitués dès la guerre de Crimée (1853-1856) et on en retrouve tout naturellement durant la seconde guerre mondiale. Des régiments composés majoritairement d’Algériens, de Marocains, de Tunisiens ou de Sénégalais musulmans. Ils ont d’ailleurs été les auteurs de faits d’armes célèbres (prise du mont Cassino)
A la fin de la seconde guerre, certains militaires, des algériens en particulier ont décidé de s’installer à Belfort d’autant que les industries locales étaient en recherche de main d’œuvre. L’employeur principal était la SACM (Société Alsacienne des Constructions Mécaniques, ancêtre d’Alstom).
Dans un premier temps ils s’installèrent dans les anciennes casernes d’Offemont cependant les conditions de vie leurs sont défavorables. Les locaux sont surpeuplés et les musulmans sont contraints de dormir dans les couloirs, à même le sol… Alors que les italiens ou d’autres (issus des pays ennemis durant la seconde guerre) profitaient des meilleurs conditions. Cette injustice les conduit à passer les nuits dans les bois et les journées à l’usine. En 1948, on dénombrait une cinquantaine de personnes dans cette situation. Ils s’étaient aménagé des cabanes dans les bois sur les remparts du Château à la Lunette 18 à l’endroit même de la mosquée. Cela a fini par faire réagir les autorités locales, mairie et préfecture en particulier. Si bien qu’en 1951 les premiers dortoirs en préfabriqués sortirent de terre sur le site de la lunette 18. La capacité d’accueil de départ ne devait guère dépasser les 50 personnes et c’est au fur et à mesure des constructions, des besoins en main d’œuvres des entreprises locales que le site s’agrandit. Les vagues d’immigration qui ont suivi cette période virent les musulmans s’installer à la vieille ville comme d’ailleurs dans toutes les autres villes françaises. Les immigrés s’installent d’abord dans les vieux quartiers de centre ville. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 60 et au début des années 70 que les familles, suite au regroupement familial, s’installèrent dans les quartiers populaires de la ville.
Au début des années 80 les locataires de la lunette 18 se mirent en grève pour dénoncer leurs conditions de vie insalubre et des travaux ont été alors réalisés. C’est à la fin des années 80 qu’en accord avec le «Casmi» (l’association en charge de gérer le foyer de travailleurs immigrés) , la Ville propriétaire d’un bâtiment situé à la Lunette 18 l’a aménagé. Les musulmans en ont fait alors une grande salle de prières capable d’abriter plusieurs centaines de fidèles lors des fêtes. Depuis cette période, la communauté musulmane avait sollicité la Mairie pour qu’elle l’autorise à édifier une mosquée centrale pour Belfort.
L’association CASMI, qui était propriétaire des terrains de la Lunette 18 les a cédé à la Ville pour le franc symbolique.
La Ville faisait donc effectuer une étude d’insertion dans le site pour élaborer un cahier des charges qui devait permettre une insertion dans l’espace qui soit la meilleure possible. Le permis de construire, dès lors qu’il était conforme à ce cahier des charges élaboré par la Ville, a été délivré avec l’accord de la direction du Patrimoine du Ministère de la Culture et en concertation avec l’architecte des bâtiments de France et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles.
Le cahier des charges traduisait notamment la volonté de ne pas voir ériger un minaret ou encore le fait que le bâtiment ne devait pas non plus dépasser la hauteur des remparts alentours. On ne devait pas pouvoir voir l’édifice depuis la Tour des Bourgeois située en hauteur en direction du Château. L’architecte choisi par l’association des musulmans de Belfort réussi à se sortir des contraintes en s’exprimant de manière spectaculaire.
C’est ainsi que l’on peut voir qu’il a réalisé des murs d’enceinte penchés à l’image des fortifications tout autour de la mosquée. La couleur rose des murs nous rappelle celle du grès rouge des Vosges. L’ouverture de la cour en direction de la ville exprime la volonté de s’ouvrir à la ville, de faire en sorte que la mosquée soit ouverte aux autres non musulmans. Cette volonté s’illustre par ailleurs au travers de la cafétéria de voir les communautés, les populations d’origines diverses se côtoyer. On peut y voir se dérouler des conférences, des rencontres ou des débats.